La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

samedi 27 février 2010








à mon père...

Je ne me suis pas retourné sur tes derniers pas. Le chant d'un merle, sous un ciel bleu, en guise d'adieu...Après, le soleil m'était devenu, insupportable, comme la nuit ou les paroles au téléphone. Je ne trouvais plus de place pour la vie, pour respirer à nouveau, pour avancer un peu. Je n'ai plus voulu faire de traces, dire au monde ma vie, expliquer mon chagrin. Je suis passé un instant de l'autre côté du miroir avec toi avec l'envie d'y rester. J'ai perdu jusqu'à mon ombre au soleil de midi et puis, ce matin, mes doigts se sont mis à gratter la terre comme autrefois, ensemble. J'ai redonné vie à ta plante en me disant que tu étais sans doute, un peu dedans, maintenant. Lorsque j 'ai eu fini de tourner en rond, comme un fauve en cage, j'ai repris le chemin de la côte, pour aller voir la mer aujourd'hui. Je ne regarde plus l'horizon de la même façon. Je ne tourne plus mes yeux vers l'ouest, comme avant, lorsqu'une petite pluie fine et glacée, me parlait du pays et de toi et le cri des mouettes m'indiffère.
Devant le va et vient,comme tu disais, des ferries dans le port de Ouistreham, je me suis approché du chenal et j'ai commencé à rouler deux grosses pierres pour le assembler. Elles m'ont servi de socle pour élever un cairn à ta mémoire, le premier depuis ta disparition. Il est probable que la grande marée de 112 prévue pour cette nuit, l'emportera, mais il me fallait bien recommencer, retrouver le geste de cueillir des pierres, de me recueillir, aussi, auprès de cette mer à qui j'ai déjà tant confié. Puis j'ai repris la route sans être tout a fait certain d'avoir vécu une réelle reprise, juste d'avoir rendu hommage à mon père que j'aimais tant et qui n'es plus.


Roger Dautais


S'attise la nostalgie
du rythme et du vent
par ces journées
immobiles où il n'est
plus d'abri de répit
d'espoir de crépuscule
tandis que des monceaux
de lumière inutile
noire se déversent
sur la vie comme
assommée et que sous
des ciels métalliques
aux trop vastes étendues
l'envol ne peut être
que dissolution


Charles Juliet
" Fouilles "

mardi 9 février 2010


à Duo duo...


Tu prends ton stylo et je prends la route. Qui écrira le juste, qui se trompera en route. Sur la même planète, nos créations divergent et pourtant elles seront absorbées par le tout Univers.
Tu parles de poisson dans ton poème, j'en "fabrique" un qui sera mangé par la mer. C'est un jeu d'ombres et de lumières pour qui saura lire entre les lignes.


Roger Dautais





Nuit noire quand la mer devient bleue



mère du pneu___phare
rêvant au sein du réel

tous les poissons sont dits" kilo"
la rive est gangrenée par la tristesse du pêcheur

____pas de kilos
le sable laisse un écho

la lune aspire sa lumière en retour
sur la vile l'humeur des icebergs

Guyane française____tu accepteras.


Duo duo, poète chinois
extrait de Poèmes de Saint Nazaire 2008

lundi 8 février 2010





Pré carré pour un frère....




Vous voyez bien qu'il est encore temps. Il est toujours temps de raconter des histoires. Mais celle-ci, elle sera sans paroles, juste trois images et juste offerte à mon ami Raymond, sur son lit d'hôpital. Vous en ferez ce que vous voudrez des symboles que vous ne comprenez pas. Lui au moins, il les connait, et il connaît mes intentions fraternelles à son égard. Pour les autres, cherchez dans mes archives de blog vers le 17 juillet, vous devriez trouver une réponse.


Roger Dautais




à Grégory Goffin,
Africain de cœur ce très beau poème



Nait qui meurt
Meurt qui nait
C'est la loi de la vie,
Belle de tous les temps,
Juste pour finir.
Nait fort qui meurt
Meurt faible qui nait fort
Un naufragé chante sa joie,
Le corbeau en rit
Le naufragé le tue.
Le lion le venge.
Le naufragé fini
Le lion meurt de faim.
Rien, dit le sage, ne nait
Rien, dit le fou, ne meurt
Vivre dit le poète, c'est naître ou mourir


Yéo Pancrace Ténéna
Poète de la Côte d'Ivoire né en 1979

dimanche 7 février 2010




au hasard des routes...


Encore une fois, le choix de mes installations avait du se faire sans réelle intention, dans une marche en traversant un parc et puis, sur une grève pratiquement déserte. On y trouve une spirale en aiguille de pin et une petite partie d'une série de lettres que j'ai continuée de réaliser pendant des semaines en variant les lieux d'installation et les matériaux utilisés, ici par exemple, des algues.Tout ceci est du passé. Il reste des traces dans ma mémoire, parfois rien, et pour vous, des photos. Pourquoi ne pas les montrer. Ce matin j'étais à l'ouvrage, sur les docks, dans le froid mais j'ai décidé de garder mes images pour plus tard. Qu'est-ce que ça change, aujourd'hui ou demain. Le plus important reste l'envie de créer, malgré le vide, malgré l'indifférence des jours de ma vie qui défilent au compteur. Sans doute une raison de plus d'être au monde, d'exister dans cette fureur, cette course au profit. Je n'ai jamais bien compris ce qui me poussait à expérimenter une pareille vie d'artiste que j'avais d'ailleurs imaginée, être beaucoup plus courte. Comme quoi, on peut se tromper.


Roger Dautais



Imprégnation


on nait on vient
dans le sens de la douleur
mais au fond ça passe
ça fait ce que ça peut
dans le vif

de ça on parle
comme si on avait le temps
une idée solide
comme si le besoin de traces
était l'objet du désir

on écrit
pour que ça change
que ça devienne
trame d'ombre de lumière
et quoi d'autre que la vie ?


Claude Held


LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

vendredi 5 février 2010






à l'inconnu de Merville
...




Je marche sur cette immense plage en direction de Cabourg. Je suis la trace d'un sulki, les pas du cheval, les deux traits parallèles des roues qui s'enfoncent à peine dans le sable me font pense que le jockey doit être vraiment léger. Au plus loin que porte ma vue, pas d'attelage, mais j'aperçois, au-delà de Cabourg, Deauville et Trouville. Plus à l'est et au large, le port du Havre. Il arrive dans cette baie de Seine de voir des super tanker, à la queue leu leu, s'approcher du terminal pétrolier d'Antifer. En me retournant, j'aperçois le Ferry de Ouistreham, à quai.
je me réjouis à l'avance de ce dur travail J'ai choisi cet endroit pour tracer une belle spirale et je me réjouis à l'avance de ce dur travail tant de fois répété, sans ressentir la moindre routine. Elles sont tellement différentes les unes des autres, tellement "vivantes". Aujourd'hui la lumière est particulièrement douce, avec cette qualité propre à la côte de Nâcre, qu'elle couvre d'or ce sillon creusé avec mon talon. Ne suis-je pas cheval et charrue dans cette entreprise... rêve de microsillon ou de disque d'or ?
Je suis aux trois quart du tracer, dix huitième tour...éviter de compter avant 10 à 12 tours...pour le moral. Une jeune femme s'approche de moi. Elle reste à une dizaine de mètres, sans parler. Regarde le geste lent du pied qui s'enfonce dans le sable et trace le sillon. Elle s'éloigne sans un mot.
Je termine le vingt quatrième tour, le plus long, environ 45 mètres. Un homme s'approche. Il me salue:

- Bonjour
- Bonjour
- Je vous ai reconnu
- ah ?
- Nous nous sommes rencontrés au pied des Vaches Noires, les falaises de Villerville ( non loin de Deauville) lors d'une sortie "fossiles". Vous vous souvenez ?
- De la sortie, il y a deux ou trois ans, oui, très bien, mais de vous, non.
- C'est bien ce que vous faites.
- Merci
- Vous habitez Hérouville.
- Quelle mémoire.
- Vous m'aviez donné une carte, vous êtes landartiste. Votre carte, je la vois tous les jours, je l'ai collée sur mon frigo pour ne pas oublier
- C'est vrai...et vous êtes allés sur internet
- Non, je n'ai pas internet et en plus, je n'en veux pas. Je quitte la France dans quelques temps, définitivement. Je me souviendrai de vous. Allez, au revoir.
- Au revoir et bon voyage.

L'homme s'est éloigné vers l'ouest de la plage puis a disparu dans les dunes. J'ai pris mes photos et je suis remonté vers les dunes. En quittant la plage j'ai écrit un dernier mot non loin des oyats qui avec le vent laissaient leur trace sur le sable.

Ces rencontres sont tellement diverses autour de mes spirales que je pense en faire encore quelques unes cette année.


Roger Dautais


LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

jeudi 4 février 2010



Points de vue...





Faudrait que se terminent au mouroir
Litanies, souffles et râles ostentatoires
Par où est venue cette vie à demi-écrémée
Qui n 'est que fluide étrange
Dans la bizarre épopée.


Avec le simulacre de la fuite
Le mot devient accoudoir


Au fil ininterrompu du ruisseau
Les genoux écaillés taisent
le passage des plaies d'été
Le soleil fait mine de disparaître
Pour luire à nouveau
Sans objection autre
Dans l'infini de ce qui nous conduit au monde.


Slaheddine Haddad,
poète contemporain, Tunisien

mercredi 3 février 2010





aux coureurs de grèves





Je m'étonne des vagues, si petites, du vent présent, ici, qui disperse ou rassemble la colonie de mouettes en partance. Je m'étonne du goût du sel sur mes lèvres gercées par le froid, de mes doigts rougis, engourdis. Je m'étonne de ces pierres si nombreuses, impossibles à compter. Je m'étonne de cette idée de cueillir des pierres comme des fruits. Je m'étonne de les assembler, aujourd'hui et de les empiler comme des petites pagodes reprenant des gestes mille fois répétés. Je m'étonne de mes pas, de leur trace dans la grève. Je m'étonne du soleil rouge basculant derrière la dune, annonçant une nuit encore plus froide.
Je m'étonne et pourtant, je suis bien en vie.
Alors, pourquoi ne pas continuer à s'étonner du monde.


Roger Dautais


Land art : Petits travaux de plage Côte de Nacre.Normandie 2 février 2010

Les textes et photos land art ne sont pas libres de droit.
Renseignements : roger.dautais@numericable.fr

mardi 2 février 2010



à Suminoto, fils du Soleil Levant
...





Ce n'était pas cette plage, ce n'était pas à cette saison, il y avait eu cette cavalcade de chevaux dans les vagues, puis leurs naseaux bouillants au dessus de nous. J'avais tracé une première spirale sous les yeux ébahis des deux vielles japonaise qui l'accompagnaient. Puis une deuxième en direction du soleil levant. Il m'avait observé, en silence, avant de commencer lui même à transporter de lourdes pierres qu'il allait chercher presque dans la mer pour les remonter à ma hauteur. Il avait aligné son installation, sur mes spirales et le soleil levant. J'avais tracé un cercle à Ana Mendieta puis planté en son centre, une branche de saule que je courbais et lestais d'une pierre, afin d'obtenir une courbe parfaite. Je lui avais raconté la vie de Mendieta, sa fin tragique. Il m'avait dit' qu'alors, elle était maintenant avec nous, dans ce cercle et qu'il ne pouvait, lui, y pénétrer, à cause de son caractère sacré. Tout s'était passé ainsi parce que je l'avais rencontré à Caen, et grâce Julien, un ami interprète ayant vécu 10 années au Japon, j'avais réussi à l'inviter sur une des plages où je travaillais souvent, pour réaliser une œuvre commune, dédiée au soleil levant.
Cet artiste qui pratiquait aussi le land art au Japon s'appelle Suminoto. Je me souviens avoir parlé de la poésie Japonaise avec lui. C'est un peu en son honneur que j'ai choisi ces quelques HaÎku

Roger Dautais



Faisant de la quiétude
mon seul compagnon –
solitude hivernale

Hashin


Dans le clair de lune glacé
de petites pierres
crissent sous les pas

Kyoshi


Avec pour seul chapeau la lune
Je voudrais tant partir!
Ciel du voyage.

Tagami Kikusha

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.