La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

samedi 30 juillet 2011
















à Hanna Shygulla pour son talent et sa belle âme


Je ne sais plus s'il est encore le temps de dédicacer mes travaux à quelque personne venant ici. S'il m'est naturel de rechercher la solitude dans cette pratique du land art, elle devient pesante dans cette vie où la douleur a remplacé tellement de sensations. Mon retour au land art ressemble à mon retour à la vie, depuis cet accident de voiture. Nous avons l'impression de voir, Marie-Claude et moi, passer l'été sans y être conviés, comme des étrangers à ce tourbillon de déplacements touristiques et d'êtres dont le premier soucis est le soleil.
Ne plus pouvoir marcher comme avant, pendant des heures, des jours, attendre que la fatigue me prépare à mieux recevoir la nature, n'est plus. Je ressens ce manque et ne peux qu'attendre un mieux physique et moral.
Dans cette présentation de travaux, seules les photos 1, 3, et 5 ont été réalisées dernièrement. Je pense avoir eu le plus d'émotion en réalisant cette ligne de coquelicots rouges dans un champ de blé. Il y avait beaucoup de vent, peu de coquelicots. J'ai pris deux tiges d'épis de blé que j'ai noué aux deux extrémités avec de l'herbe souple. J'ai cueilli mes coquelicots avec une tige assez longue pour la passer dans la fente entre les deux épis de blé. J'ai toutes les peines du monde à escalader un talus d'à peine un mètre de haut, puis j'ai posé cette ligne rouge à l'entrée du champ de blé.
Je suis redescendu au niveau de la route et c'est simplement cette vision d'une petite ligne rouge horizontale, posée dans ces blés mouvants, qui m'a procuré un réel bonheur.
Je n'ai pas de regret de ce que j'ai fait pendant ces treize années sur toutes les routes de plusieurs pays. Ce que je montre est très loin de ce que j'ai vécu. Prendre une photo n 'est rien, mais essentiel en land art si on veut communiquer. L'essentiel est dans le voyage et dans la pratique. Rompre la monotonie du quotidien imposé, casser les codes, changer de regard sur la nature, trouver sa vraie place dans l'univers, m'a semblé indissociable de cette pratique libre et marginale. J'y trouvais matière à vivre et aussi un équilibre. J'espère continuer cette route encore un peu, même différemment.
Je pense que les intérêts du monde sont si loin de ces simples gestes, de cet art de vivre dans le détachement, dans l'éphémère, que nous sommes des catégories de personne en train de disparaître du monde artistique. C'est dommage.
Je suis néanmoins satisfait d'être arrivé à créer cette page, non sans mal.
A plus tard.

Roger Dautais







LE ÉPIS GAGNERONT SUR LES COQUELICOTS


Maintenant que mon cri
a trouvé son écho;

que le grain des aveux
nous a ensemencés;

c'est plue qu'une promesse
et tout peut commencer:

les épis gagneront
sur les coquelicots.


Je vois l'or s'allumer
sur l'espérance en herbe;

mon lendemain prend corps:
je parle de moissons

-de la gerbe debout
comme un torse de femme

enflammé par le nœud
torsadé du soleil.


Plus trace de l'enfant:
je bannis l'impatience,


j'élargis mes pouvoirs,
je soumets l'horizon

- et j'accorde mon cœur
au rythme des saisons,

en écoutant germer
la future abondance.

Claude Vaillant

Dans l'incendie, tout a brûlé Editions Autres rives. 1984


mercredi 27 juillet 2011

















à Hala Moubarak*,
pour son courage
et pour sa parole libre





En exil, ici ou ailleurs,

parviendras-tu

à découvrir

ce lieu qui n’est ni le fleuve

ni la source ni l’embouchure,

pas davantage le sommet ou la vallée ?

Ce lieu, tu le situes

à l’écart de la vie et de la mort,

pareil à un visage attendu

dont le nom ne t’a pas été révélé.

Max Alhau

Extrait de l'Anthologie subjective de la poésie réalisée Guy Allix



A Guy Allix

Mémoire enfouie et train de nuit

J’ai pris le train de nuit. Je roule vers Narbonne. Il est minuit et demi. Des bribes de conversation tenues avec Patrick, Au Grillon, me reviennent en boucle. Je crève de faim. Il fait trop chaud pour dormir. J’ouvre le dernier livre acheté cet après midi : Deux marchés, de nouveau. Je ne connais pas cet auteur, Ryoko Sekiguchi. Il ne faudrait pas écrire comme ça : des mots et puis un vrai talent qui bouleverse mon voyage. Le paysage défile dehors, invisible. Ma vie aussi.

Je pose le livre et prends mon appareil photo. L’envie de revoir les photos prises la veille dans trois cimetières d’une grande ville. Je frissonne. Je voudrais les marier aux images de Ryoko. Je passe de la mémoire enfouie dans ces tombes abandonnées, couvertes de mousse et de feuilles en décomposition aux phrases du livre. Je dérive d’amnésie en amnésie.

Nous voici à l’orée de l’Orient, chevauchant des soleils aux longs cheveux noirs.

Qui parle du vent dans les feuilles de bouleau si ce n’est le jardinier, comme une tâche d’automne à laquelle il n’échappera pas ?

J’aime à penser que ces imposants cumulonimbus traverseront les frontières du monde, sans autorisation, comme le font les oiseaux.

Il faudra des jours et des jours de pluie pour laver ces peaux diaphanes et ramener un sourire sur les lèvres des jeunes filles de Fukushima.

Nous lèverons le campement, en fin de nuit et laisserons les os de poulet pour les chiens sauvages. Nous abandonnerons les terrains, laissés inoccupés, aux âmes en errance.

Je quitte la tribu.

Me voici parti, une fois de plus, aux frontières de l’enfance brisée. Comment réaliser encore une fois, quelque chose de vivant, dans ce bordel organisé…

Je devrais, sans doute, dilapider ma parole errante, comme un moissonneur aveugle, perdu par le cri des corbeaux…

Je préfère écrire un traité sur l’art de la fugue et ensuite, celui sur l’art d’être mort. Côtoyer les tombes est une liturgie à double sens, vous le savez bien. Nos jeux de mots d’intérieur entre les pages, le sont aussi pour les aiglons tombés du nid.

Il serait bon, afin de n’oublier personne, d’écrire une lettre rouge aux herbes folles de la pampa.

Après, seulement, il faudrait relire, et revendre les Hauts du Hurle Vent, tandis que la mode s’évertuerait à crever les minets, un par un.

Et puis, après, il faudrait aussi, ouvrir une autre page blanche, rien que pour écrire la saga des danseurs de tango gominés, glissant leurs pas savants, dans les bras de jolies femmes, sur les trottoirs de Buenos Aires.

Il faudrait entendre ce cri de : " Fuck Spinoza ! "

sortant de la bouche d’un blond inverti, poings tendus vers les ciel, la bave aux lèvres, cracké à mort, rue saint André des Arts.

Mais, à peine le voyage commencé, je n’entendrai plus que les sabots d’un cheval, lancé à triple galop, tatouant les sables mouillés de la plage, et monté par un mirage.

A quoi bon lutter, à quoi bon essayer d’attraper une cavale. Les rêves ne sont que liberté, comme les mots de Ryoko, pour un jeu, pour un jour, pour la vie qui passe.

J’ai terminé la lecture de ce roman puis je l’ai laissé dans le train, libre d’emmener avec lui un autre passager vers son propre destin, en bonne compagnie.


Roger Dautais



Quelques titres de romans Ryoko Sekiguchi édités chez P.O.L.

Héliotropes

Deux marchés, de nouveau

Calque


*Hala Moubarak est une jeune femme Libanaise, architecte de son état, qui défend ses idées avec beaucoup de courage dans un pays qui cherche toujours sa stabilité.

Son blog porte un nom très symbolique : Je suis un cri . Je vous le conseille.

Roger Dautais


lundi 25 juillet 2011


















à l'inconnue amnésique...


Tu me parlais d'infinis paysages
et l'oubli
a fait basculer ton horizon.
Alors,
J'ai pris mes ciseaux,
Je suis redescendu loin
très loin,
vers les rives
inconnues de toi
Et j'ai écrit
Comme autrefois,
Peace and Love.

Roger Dautais







Finalement l’enfance c'est pas grand chose

Les yeux du petit pauvre qui joue avec son rat

Ne brillent pas je veux dire

Pas plus que cela

Et celui qui s’émerveille c’est l’autre le

Mauvais riche qu’on sera

Quand on aura grandi

Quelle prose étrange que celle qui ne s’use pas qui

Ne meurt pas dans le pain qu’on achète

Le chemin qu’on demande

Qui revient

La poésie c’est exactement le même dessin

Noir et blanc sur du mauvais papier

Pas de couleurs comme on pourrait croire

Pas de belles retouches non plus

Perros a écrit quelque part qu’un poème

C’était « comme une prose de travers »

Comme une arrête en somme

Qu’on a dans la gorge

Quelque chose qui ne passe pas.


Ryoko Sekiguchi

Ryoko Sekiguchi est née à Tokyo en 197O, elle vit à Paris depuis 1997




A Marie-Claude...


DÉSTOCKAGE

Nulle part comme ici, sur ce port. Une poignée d’étoiles dans la main, je fouille la nuit. Les attentats salissent les journaux. Le sang caille entre les lignes des pigistes. Il est trois heures du matin. J’ai des images de seconde guerre mondiale dans la tête. Des entassements, des os brisés, des peaux verdâtres. Des bouts de silence accrochés aux barbelés. Les derniers cris en noir et blanc. Si souvent, s’aimer savait se dire, ici, sans larmes, ce serait sans regret qu’un jour, on jetterait l’ancre, les yeux secs d’avoir trop pleuré.

La vie est une meurtrière randonnée, avec, au bout du compte, l’un ou l’autre, en solitude.

J’avais rêvé des soleils à chaque seconde, des orages pour laver mes peines. J’avais écrit, jadis, au présent. Je marche vers le futur imparfait. J’invente un dernier coffre de bois.

Allumez les feux, brûlez tout, jusqu’aux souvenirs vécus dans les ruelles étroites des villes obscures. Oubliez les parcs paisibles, les plaines à blé, les terres gelées.

Ici commence la faim de toi.

J’irai te chercher plus loin que ton espérance. Sous une pluie glacée, les cheveux défaits, les yeux grands ouverts, l’âme ébréchée, prête à embarquer pour la dernière nuit.

L’horizon bascule devant une foule aveugle qui avance sans même nous regarder. Nous voici prêts. Il est temps de vivre enfin, comme nous le voulons, libres.

Roger Dautais

vendredi 22 juillet 2011
















ose ta vie, toi seul la vivras...
Jacques Salomé.



à Marie-Josée Christien...


Cette certitude


Tu partiras un jour
Et ce sera le vent
Et ce sera le froid

Tu partiras nous laissant seuls à jamais
Toi et moi dans la nuit de vivre
Me laissant hagard au seuil de l'autre nuit

Et ma plainte n'aura pas d'écho
Et ma plainte se taira simplement
Contre les infinis de ma prison

Et le temps fera son effort de temps
Parfois même certains jours
Il m'arrivera de penser moins à toi...

...Ce sera alors d'une tristesse insurmontable



Il me restera que vivre l'ombre. Que
seul avec la séparation.




Il y aura le temps de mémoire
De mensonge parfois
Le temps si court d'exister encore
Et puis viendra peu à peu
Le temps de l'oubli

Infini





Le cri sans mémoire

Tu viens de ce cri sans mémoire
De ce cri sans raison et sans écho

Tu viens de ce cri
De ce corps dévoré par les mots

Tu viens de ce cri à jamais perdu
Une étreinte à la main
Sur l'autre versant du monde

Tu viens de cette torpeur
de cette mort ultime à l’œuvre infiniment.


Guy Allix




à Marie-Claude...

Il arrive que des lumières éclairent notre part d’ombre et nous voici réconciliés avec le monde…Hors cadre, la vie nous attend, nous échappe à chaque tournant… Qu’une page blanche survienne dans notre nuit et le vacarme des incertitudes recommence, incessant…Il questionne l’inconscient, la lumière propose, l’objectif fixe, écarte, élude… Restent les mémoires à oublier. Ainsi va la vie.


Roger Dautais

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.