La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 10 juillet 2011







Tout est vanité et poursuite de vent
l'Ecclésiaste





à Gilgogué,
homme debout dans la tempête



Les apnées du cœur sont mortelles. Sur la route du matin s’enroule, seul, le destin ouvrier. Il déchire et décolle la pulpe. Il mord la chair rose et s’en va sous la lune. L’errance est commencée. Bleu, jaune, rouge. L’ornière annonce le virage. Orange, c’est le quartier des amours prolétaires aux fronts couverts de sueur. L’indigo des yeux a frappé au fronton et le poing s’est levé sur l’arc en ciel. Le jour se lève, violet, dans les âmes en peine.

Les « hier » ont rejoint la toile blanche. La chouette effraie lit le journal de bord. J’ai su parler, autrefois.

Ils ont fermé le moulin à gueule. Ils ont suivi le cortège et jeté une poignée de terre sur l’indifférence. Une veuve d’usine pleure. Au quatrième, une lucarne jaune veille sur la ville en pleine nuit. Elle repasse seule. Elle est femme et ne sait plus choisir.

Trois coups ont sonné au tympan. Le coq a chanté. Aussitôt, les soleils se sont levés, les aurores, aussi. La nuit n’est qu’un rideau, une vie à boire. Ton sourire se remplit de terre. Tes orbites sont des pots de fleurs. Il est, l’éternité, ici. Les marguerites poussent un soupir.

Le printemps tourne la page et les Roms en errance, poussent sur les trottoirs les enfants de l’enfance sacrifiée.

Aux frontières labiles, une fraternité en lambeaux fredonne l’internationale : C’était le genre humain.

Voilà demain et son cortège de mémoires amnésiques. Les cerisiers du japon, en fleurs annoncent de belles jeunes filles.

Il faut peindre pour espérer vivre.

Roger Dautais

Le moulin à gueule

En Normandie, 0h01, le 31 Mars 2011



Les images Land Art sont pour Stéphanie S

et le texte ci-dessous, aussi



tout petit livre comme ça

Elle griffonna deux lignes au dos d'une carte de visite :le bonheur , désespérément d'André Compte-Sponville. Je la regardais écrire, et lu, rapidement.

-Lisez-le.

ajouta la jeune femme en me souriant

Elle aussi, me dis-je. Pourtant si jeune. Je ne comprenais pas.

J'ai hésité quelques heures puis je suis allé l'acheter dans la première librairie qui se trouva sur mon chemin.

- Un tout petit livre comme ça

me dit la vendeuse, en faisant le geste de le tenir entre pouce et l'index. Je la suivi machinalement dans les rayons. Elle parlait.Je ne l'écoutais pas

J'étais à nouveau dans le bureau de S.

Je la voyais, grande, élégante, attentionnée, cultivée, secrète, avec des mains faites pour l'écriture. C'était aussi cela, l'humanité que de continuer à montrer le chemin.

J'ai gardé l e livre une semaine dans ma sacoche. La philosophie, ce n'est pas fait pour les ouvriers, d'emblée. J'ai laissé le désir monter et je me contentais du plaisir d'avoir acheté quelque chose d'important qui m'échapperait dès que j'ouvrirai les pages. Et si je ne comprenais rien. Je lui dirai quoi?

Guy, me parlait aussi bien de Caton que de Camus, où d’Annie Ernaux et le fait qu'il soit agrégé de lettres ne m'impressionnait pas, puisque nous étions frères dans la tourmente. Sa façon de raconter la littérature m'enchantait. J'avais l'impression de revivre ces parenthèses d'enfant, entre les coups de mon père et les contes de mon Oncle, celui qui conduisait des gros camions. J'aimais écouter, apprendre, répéter les histoires. J'aimais écrire. Jamais je ne fus fait pour subir, être enfermé, privé de nourriture, humilié ni courber l'échine, mais quand on est si petit, où se trouve la solution ?

Je n'ai jamais été un hercule. Aussi mal nourri, je me développais mal.

Je grandissais lentement.Mes attaches de bras restées très fines, mes mains, également, bien que calleuses, du temps de la terre dure et du pain sec.

Parfois, je pleurait de rage en poussant des brouettes de fumier dans ce jardin maudit de l'école normale. Je rentrais le soir à la maison, si brisé que je ne pouvais même pas lire une ligne du journal. Je pleurais de me voir détruit ainsi, physiquement, par des gens qui méprisaient tout travail manuel au nom des Droits de l'Homme. Une vraie honte.

Je suis resté ouvrier lorsque je pénètre dans un bureau, avec le besoin de m’essuyer les pieds avant d'entrer, lorsque la rencontre est belle, et celle de tout casser lorsque l'interlocuteur vaniteux n'a d'autre chose à partager que son savoir de crapaud abâtardit par les conventions.

Je lis Comte-Sponville avec délectation et garderai ce livre, probablement aussi longtemps que durera en moi, la mémoire de ce geste d'amitié souriante et ces quelques mots d'accompagnement "lisez-le".

Parce que notre été reste de douleurs, de mémoire d'accident, d'impossibilité de faire mieux, dans cet océan d'indifférence argumentée, il convient de plus en plus de poursuivre cette route, à la manière de Kerouac, Gwernig, Grall, Glenmor, sans se soucier de savoir si nous sommes là pour plaire. Vivre est tellement difficile dès que l'on s’éloigne du troupeau bêlant.


Roger Dautais




Tu me voulais ici, ramassant les cadavres, j’étais, ailleurs, parti, je récoltais la vie .Monts d’Arrée, Menez Hom , Mené Bre, sentes sacrées Bretonnes, sous mes semelles usées, j’ai gravi vos pentes, perdues de pluies et de vents. J’ai attendu Orion, dans des ciels improbables, rencontré Andromède, la tête dans les bruyères. J’ai cueilli les blés d’or, foulé le lin, tissé mes rêves. J’ai bu l’eau de nos fontaines de granit, agitées par trois salamandres d’or. Ta voix m’est apparue, soudaine, présente. Il faisait nuit, je récoltais, encore. L’aube venue, j’ai rejoint les cadavres et l’étoile fleurie, tombée dans les marais. Le piano des anges s’est accordé une pause puis nous a fait danser dans les marais de Brénilis.

Roger Dautais

« Rêves d’hier pour demain »

LE CHEMIN DES GRANDS JARDINS

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.