La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

dimanche 25 mars 2012



































































































































































Toutes les radio, toutes les télés, à la une de toute la presse écrite il est question de la tuerie du sud ouest et de la traque au forcené. Lorsque je prends la direction des plages, je n'arrive pas à me sortir les informations de la tête. Ni la marche d'approche, ni la volonté de mettre ce drame de côté ne me permettent de trouver le calme habituel procuré par l'exercice du land art. Il y a de longues traines de laisse de mer, au milieu de la plage et beaucoup de bois mort. J'hésite un instant à réaliser un gisant avec ces matériaux. Cette actualité m'y incite, mais je remets cette installation si particulière à plus tard. Avant d'évoquer la mort, il me faut parler de la vie comme elle va, ici.
Couchées sur le sable, deux branches semblent former une sorte d'arc. La forme est belle. Je la reproduis en volume et je me trouve face à une arche. J'imagine bien une onde serpentine qui la franchirait et rejoindrait l'horizon. Je pars dans cette direction et trouve un très bel arbre que la mer aura déposée de fraîche date. Je décide de le planter dans le sable à l'aide de ma pelle. Il dépasse les sept mètres et pèse assez lourd. Le mouvement de bascule est délicat, mais le trou creusé est suffisamment profond pour lui donner une belle stabilité. A mes yeux, cet arbre est à nouveau vivant. Il me reste à creuser ce sillon qui serpentera entre les deux troncs d'arbre, séparés de 65 mètres.
J'aime bien cette idée de l'arche accouchant de la vie.
Je reprends la marche sous un ciel qui vient de se découvrir un peu.
Il y a suffisamment de soleil pour avoir l'ombre portée d'un objet sur le sable et je trouve une section d'un petit tronc d'arbre que je plante dans le sable, comme un gnomon. Je le couvre d'une sorte d'aiguille aimantée qui indique la direction Nord -sud. Je reproduis ici un geste vieux comme le monde ce qui est souvent le cas dans le land art. Je le cerne d'une spirale qui s'en ira, elle aussi, rejoindre l'horizon, vers la mer.
L’heure tourne et je n'ai toujours pas réalisé de gisant. Je quitte la plage, trop en lumière, traverse la dune couverte d'épineux et je me retrouve sur une seconde plage parallèle dont le sable recouvert d'algues rases est d'un gris vert qui convient mieux à mon projet. Le lieu est désert. Je choisis un endroit précis et trace au sol, la forme d'un corps. A partir de ce moment, je suis dans l'évocation, celle qui me trouble le plus dans ce que je fais. En une heure, je vais creuser une sorte de petite fosse qui entourer la forme et me procure le sable nécessaire au volume dans lequel je sculpterai le corps. Cela ne doit pas être ressemblant mais simplement évocateur. Le travail avance et je projette sur ce corps, toutes mes peurs, toutes les horreurs entendues, tout mon respect pour la vie qui s'en va. Un sentiment de solitude m'envahit. Je me lève et reste devant lui, en silence. Quelques minutes plus tard, je vais disposer un petit bûcher au pied du gisant et, s'il m'arrive de l'allumer, je ne le ferai pas aujourd'hui. Je pars à la recherche d'une pierre blanche que je vais déposer sur la poitrine, mettant fin au rituel.
En prenant le chemin du retour je constate qu'à cinquante mètres, il est à peine visible, à cent mètres, il disparaît dans le paysage. Je retourne apaisé vers un monde qui pourtant me promet le pire dans les jours suivants.


Roger Dautais








Planté dans l'imminence de la nuit
sauvage
on tient encore
mais sachant
l'effarement
sculpte
le peu de poids de chair
qui reste
et le regard.


Patricia Cottron-Daubigné

Extrait pour le St Jean Baptiste Donatello
ed. éditinter 2O












lundi 19 mars 2012











































































































































To the sea



Le soleil va se lever. Ils l'ont dit. "Ils" , se sont les bulletins météo écoutés depuis la veille et qui se trompent une fois sur deux. L'important, c'est de sortir, quitter le confort de la maison pour aller se confronter aux diverses vérités du temps sur une grande journée. Je n'ai pas d'idée particulière autre en roulant, que de contempler une fois de plus cette plaine. Je connais bien et pourtant elle m'en apprendre sur elle à chaque minute. Le paysage défile devant moi, et j'ai l'impression d'être le seul dehors dans la région. A peine ou deux voitures croisées sur le chemin d'aller et me voici arrivé sur la côte. Je me change comme à chaque sortie et je me dirige vers la mer. Elle est a demi couverte par une brume grise qui commence à deux cent mètres de la plage. Ce temps frais et humide accompagne souvent un silence presque parfait, si ce n'est le chuintement des vagues. Il faut que je marche. Peu importe que ce soit vers le nord ouest où dans le sens inverse. Sans marche, sans déplacement, il ne se passera rien. Il faut un certain temps pour que l'esprit se libère des contingences et laisse venir à lui, l'idée. Car c'est le mouvement qui crée l'idée, d'après moi. Dans les instants qui suivent, on dirait que le vécu land art remplace l'inquiétude du départ. Je choisis la première pierre et je commence la construction du cairn. Tout va se jouer comme dans une danse presque statique, avec d'infimes déplacements, qui va remplacer la quête du départ. Il y a bien une fascination du lieu, il y a aussi une attirance des pierres qui remonte à l'enfance, et un peu le savoir faire. Comment comparer ce travail, cette création si personnelle à une pâle copie, réalisée en deux minutes sans trop réfléchir: Hop et hop, deux pierres, hop, une photo. D'un côté, il s'agit de ma vie, de l'autre une pitrerie de week-end pour amuser les amis.
Chaque trace laissée dans le sable comme ces deux étoiles de David qui me relient à Raymond, ou les anneaux de Borromée à un voyage sur le Lac Majeur où je découvrais ce symbole en compagnie de Marie-Claude, que ce soient ces milliers de cairns, semés en France, en Europe, en Afrique, ces spirales interminables sur lesquelles on m'interroge, ou ces compositions géométriques, mandala et autres, ne sont qu'une manière de vivre ma vie, de m'inscrire dans le monde, de lui parler de l'honorer et parfois de communiquer avec les humains.
J'ai eu froid, ce jour là, mais lorsque la brume s'est levée, tard dans l'après-midi et que le soleil à balayé la plage, j'ai oublié mon mal de dos, j'ai terminé mon travail puis je me suis assis non loin des cairns. Je les ai regardés longuement comme on regarde un parterre de fleurs . Je les reconnaissais comme nés de mes mains et je savais que leur disparition n'était qu'une question d'heures. Je savais que la mer sifflerait la fin de la partie, de leur vie dans quelques heures. Je n'éprouvais aucune fierté, non, plutôt un bonheur de les côtoyer, sans avoir à leur parler, sans explication à donner, juste à attendre la mer qui viendrait couronner mon travail et me donner l'autorisation de recommencer une prochaine fois.



Roger Dautais






Ce matin au bureau, j 'écris


Nos livres des riens sinon quelques fleurs
A peine
Qu'éparses dans les siècle
Nos venteuses paroles
Qu'est que je fais à écrouer ma jeunesse ?
Or
La fenêtre à soudaine ardeur
Met un fil rouge
Une baie sur la page
Une lune écarlate puis cela batifole cela ramifie cela braise faut-il
Continuer l'escarbille l'histoire de l'escarbille est-ce

Un début de sens ?

Est-ce que je n'attendrai plus
en vain ?


Isabelle Pouchain


Retrouvez cet auteur chez Guy Allix

guyallix.art.officelive.com/isabellepouchain.aspx

lundi 12 mars 2012







































































































































non siamo gran cosa


à Terzo...


J'aime l'hiver, il libère les pierres. Brassé par des marées infatigables, le sable a rendu les armes. Toutes ces tonnes de sable avaient fini par dénaturer l'estran, et le transformer en une fausse plage que même les oiseaux de mer ne fréquentaient plus. Ici, c'est le royaume de l'éphémère où rien ne tient une place définitive. Quel ciel bleu oserait s'installer au dessus de ce territoire marin, d'une manière définitive ?
La parole est absente. Le vent cingle mon visage et fige ma mémoire. C'est ici qu'il me faut écrire une nouvelle page singulière, un petit pan de vie, pierre par pierre. Commence la chasse et mes yeux cherchent déjà la première pierre qui conviendrait. Ici, dans ce chaos de géant, aucun homme ne soulèverait ces blogs qui dépassent pour certains, les trois cent kilos. Leur masse rend modeste. J'en choisi une, couchée de tout son long et qui me semble être à ma portée. Elle est trop lourde pour être portée, déplacée, mais avec quelques manœuvres, je la dresse sur l'estran. Mon dos craque et proteste. Je cherche le point d'équilibre. Elle tient debout, seule, mais je la cale de manière à pouvoir monter en son sommet un premier cairn de la journée sans qu'il ne s'écroule.
Il m'est facile à cet instant, de faire le vide, de tout oublier dans ce froid vif, au point parfois de ne plus entendre la mer et d'être simplement " dans le geste". Je deviens une sorte d'écriture dans le paysage qui m'éloigne provisoirement de mes semblables pour reproduire un rituel vital.
Chaque pierre choisie pour sa forme, recto, verso, est évaluée, soupesée, essuyée lorsqu'il le faut avant d'être posée délicatement sur le cairn. Si elle ne convient pas, elle est rejetée, puis remplacée. Plus la colonne en équilibre monte plus les pierres deviennent sensibles au vent, que j'essaie de couper en faisant rempart avec mon corps. Je les sens trembler entre mes doigts gelés, respirer à leur façon. Elles vivent. Pendant ce temps, j'oublie que la mort est à l’œuvre en moi, chaque jour, attendant l'instant crépusculaire d'une vie achevée.
Le sol a-t-il tremblé ? Le cairn vient de s'écrouler. Je regarde les pierres retourner à leur destin. Je pense alors à Terzo, cet ami Italien, illustrateur de son état, qui m'avait suivi un après-midi d'hiver sur une plage de la côte de Nacre, non loin d'ici. Assistant à l'écroulement d'un cairn, il m'avait dit en souriant : " non siamo gran cosa", nous ne sommes pas grand chose.
Mes cairns en cela, devenaient humain à ses yeux et j'ai continué à les regarder comme ça, juste un mot, un cri parfois, dans l'immensité silencieuse, pas plus.


Roger Dautais.






L'encre des lettres
avérées
abruptes

éconduites
désespérées
disparues
oubliées
combien d'immensité
dans cet espace
infime.

Jean Louis Kerangueven

lundi 5 mars 2012






























































































































































Car il faut que chacun

compose le poème de sa vie...

Youenn Gwernig











Sur le chemin du retour d'une sortie land art, j'aperçois, sur le côté droit de l’autoroute, dépassant d'un talus me surplombant d'une quinzaine de mètres, un tas de pierres blanches brillant au soleil. Une semaine plus tard, je retourne dans le secteur et, après avoir franchis plusieurs rond-points, je trouve l'entrée du champ tant espéré.Un véritable trésor s'offre à moi. Des tonnes de plaquettes calcaire, entassées sur une centaine de mètres de long sur au moins, deux mètres cinquante de haut. Cela provient probablement d'un creusement de terrassement des nouvelles grands surfaces qui ont poussé dans la région, de l'autre côté du périphérique.
Je grimpe au sommet de cette pyramide et m'aperçois très vite que le sol est mouvant sous mes pieds. Et pourtant,je décide d'élever un cairn en son sommet. Après avoir réalisé une petite plateforme pour l'accueillir, j'essaie de stabiliser les pierres de la base sur une profondeur de un mètre., puis je commence l’élévation. D'abord le cercle de base qui doit être parfaitement calé, puis les premières pierres de la base intérieure. Après, je recommence la manœuvre, couche par couche. Les premières pierres sont récupérées dans la proche périphérie. Ensuite, il faut descendre sur cette pente glissante, choisir les plaquettes calcaires qui sont appropriées, les lancer depuis le sol jusqu'au pied du cairn sans taper dedans, remonter la pente, les bras chargés d'autres pierres, puis reprendre la construction. C'est long à bâtir , dans cette position inconfortable, bien que celui-ci soit de taille moyenne,( env.1.50 m de haut) mais je ne m'ennuie pas une seule seconde. Pas le temps de penser que cette semaine, j'ai réalisé une spirale marine, monté des cairns sur l'estran, travaillé le long du fleuve et bien d'autres choses encore. Jour après jour, une vie consacrée au land art, sans en attendre autre chose que de trouver un sens à ma vie d'artiste. Et ce bonheur de réaliser ce cairn, de créer dans cette immense plaine me rattache à tous ces paysans qui ont travaillé cette terre à blé, jour après jour, par tous les temps. Le flot de voitures incessant roule à mes pieds et c'est bien la première fois que je travaille dans ce cadre. On dirait un fleuve, un fleuve de voitures anonymes qui paraîtrait ne jamais cesser de couler. Je n'y prête pas trop attention, juste un bruit de fond, même pas une image. Je suis au pied du cairn, au milieu de la pente. Il bouge et je sais ce que cela peut vouloir dire : l'écroulement. Il ne vaut mieux pas être en-dessous. Il va se tasser ainsi deux fois et il me reste le sommet à terminer soit une trentaine de kilos que je vais monter du sol puis déposer délicatement, pierre par pierre. Il est déformé légèrement mais il a décidé de rester debout, ce dont je le remercie. Du fleuve-voiture, montent quelques coups de klaxon et je les lui dédie.
Je descend la pente une dernière fois et le salue, ce poème de pierres. Et si je le dédiais à Youenn Gwernig, ce poète du Huelgoat dont l’œuvre continue de me marquer...ce serait bien comme ça.

Roger Dautais




La source du temps


Silence, le plus digne hommage !
Quel tumulte d'amour emplit jamais le très profond silence ?...
Victor Segalen




Dans les jazz du vent
arborer un nouveau langage
en écho du silence.

De la vacuité
plein les godasses
suivre le chant
qu'offre l'ombre
à fleur de peau.

Remuer au plus profond de soi
la légende
sous l'écorce.
Déventer
la fauvette de l'air.

A la source du temps
se décoller du visible.
Visiter les songes
jusqu'à plus soif
de l'essence.

Saisir par l’œil
les combustions translucides
que seules des rumeurs
nourrissent.


Le sanctuaire au goût huitrier
de la parole
saisir l'alphabet
de la genèse
comme l'incantation
d'une pureté à venir.


Louis Bertholom

Retrouvez cet auteur chez l'ami et poète Guy Allix, dans les pages de son Anthologie subjective

http://guyallix.art.officelive.com/LouisBertholom.aspx
http://www.myspace.com:louisbertholom
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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.