La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

lundi 12 mars 2012







































































































































non siamo gran cosa


à Terzo...


J'aime l'hiver, il libère les pierres. Brassé par des marées infatigables, le sable a rendu les armes. Toutes ces tonnes de sable avaient fini par dénaturer l'estran, et le transformer en une fausse plage que même les oiseaux de mer ne fréquentaient plus. Ici, c'est le royaume de l'éphémère où rien ne tient une place définitive. Quel ciel bleu oserait s'installer au dessus de ce territoire marin, d'une manière définitive ?
La parole est absente. Le vent cingle mon visage et fige ma mémoire. C'est ici qu'il me faut écrire une nouvelle page singulière, un petit pan de vie, pierre par pierre. Commence la chasse et mes yeux cherchent déjà la première pierre qui conviendrait. Ici, dans ce chaos de géant, aucun homme ne soulèverait ces blogs qui dépassent pour certains, les trois cent kilos. Leur masse rend modeste. J'en choisi une, couchée de tout son long et qui me semble être à ma portée. Elle est trop lourde pour être portée, déplacée, mais avec quelques manœuvres, je la dresse sur l'estran. Mon dos craque et proteste. Je cherche le point d'équilibre. Elle tient debout, seule, mais je la cale de manière à pouvoir monter en son sommet un premier cairn de la journée sans qu'il ne s'écroule.
Il m'est facile à cet instant, de faire le vide, de tout oublier dans ce froid vif, au point parfois de ne plus entendre la mer et d'être simplement " dans le geste". Je deviens une sorte d'écriture dans le paysage qui m'éloigne provisoirement de mes semblables pour reproduire un rituel vital.
Chaque pierre choisie pour sa forme, recto, verso, est évaluée, soupesée, essuyée lorsqu'il le faut avant d'être posée délicatement sur le cairn. Si elle ne convient pas, elle est rejetée, puis remplacée. Plus la colonne en équilibre monte plus les pierres deviennent sensibles au vent, que j'essaie de couper en faisant rempart avec mon corps. Je les sens trembler entre mes doigts gelés, respirer à leur façon. Elles vivent. Pendant ce temps, j'oublie que la mort est à l’œuvre en moi, chaque jour, attendant l'instant crépusculaire d'une vie achevée.
Le sol a-t-il tremblé ? Le cairn vient de s'écrouler. Je regarde les pierres retourner à leur destin. Je pense alors à Terzo, cet ami Italien, illustrateur de son état, qui m'avait suivi un après-midi d'hiver sur une plage de la côte de Nacre, non loin d'ici. Assistant à l'écroulement d'un cairn, il m'avait dit en souriant : " non siamo gran cosa", nous ne sommes pas grand chose.
Mes cairns en cela, devenaient humain à ses yeux et j'ai continué à les regarder comme ça, juste un mot, un cri parfois, dans l'immensité silencieuse, pas plus.


Roger Dautais.






L'encre des lettres
avérées
abruptes

éconduites
désespérées
disparues
oubliées
combien d'immensité
dans cet espace
infime.

Jean Louis Kerangueven

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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.