La vie, comme elle va

"S'il suffisait de lire comme dans une bulle de cristal, alors, ce serait, facile.Mais il faut vite déchanter, prendre la route, sac au dos et marcher, toujours marcher pour oublier ce que l'on a déjà fait, ce que l'on va faire. Il faut attendre que la nature nous prenne et nous ouvre sa voie. C'est une progression incessante, pour de si petites choses".
Roger Dautais . Septembre 2009

Un voyage étonnant au cœur du land Art

jeudi 10 mars 2016

Hommage  à  l'Île de Méaban :  pour Mémoire de silence
La dernière chance de Lampedusa :   pour Guy Allix
Écrits dans  l'eau : pour Claire Fourrier
Passe Ouest   pour  : Alain Jégou
Les demoiselles de Locmariaquer, le retour  : pour  Jesus Alvarez
Les rescapé de  Mare Nostrum : Pour Jean-Pierre Audren
Le passage : Pour Sole
Greffe rouge : pour Sasa Saastamoinen
La  longue route :pour  Tilia
Bird falls :   pour Ana Minguez Corella
Le solitaire du Bono : pour Remei Navaro
Le dernier cercle des cupules : pour Joelma
L'ouverture :  pour Tilia
Juste équilibre :  pour  Estourelle
Le sage et la foule :  pour Erin

L'estompe :  pour Christian Cottard
Cairns du long silence:   Pour Luce Lapin et ses amis
L'instant fragile :  pour Marie-Josée Christien


Je n'ai plus rien à prouver, si ce n'est qu'à moi-même que je suis en vie, provisoirement
Roger Dautais



à Marie-Claude


Route 73

Les  tempêtes se succèdent, marquant la nature, les grands arbres abattus en forêt, la côte grignotée et le moral, parfois gris comme le ciel. Mais  il faut sortir car pour  moi, ma vie s'épanouit au dehors , au contact des éléments. Je me souviens  ainsi d'une  marche dans les dunes d'Etel, par  un vent d'Ouest soufflant  à plus de 100 kms heure, le visage brûlé par une tempête de sable, puis rincé sous  un grain marin orageux, avant de retrouver l'Océan, complètement dégagé sous  un ciel bleu. Alors,  oui, ce petit temps passé dans la tourmente, que  l'on dépasse, bien qu' éprouvant pour  mon corps, vaut toutes les siestes du monde.. Les  plus stoïques dans tout ça, restent bien les menhirs des alignements de Carnac que rien ne dérange. Je les côtoie assez souvent  pour  en témoigner.

Il y a  un peu plus de deux ans, après  une de ces terribles tempêtes d'hiver, je découvre,  lors d'un  marche  à Locmariaquer, des tonnes de  pierres, arrachées à la  plage et projetées sur les prairies qui la bordent. Mon  idée est aussitôt celle d'élever un cairn monumental avec toute cette réserve  de  pierres  libres. D'autant  plus que dans le pays, les land artistes sont assez mal accueillis dans la pratique de  leur art. Pour  une fois, ces grincheux ne me reprocheront pas de  bouger leurs  pierres. Le cairn fait  plus de 3  mètres de circonférence  à la base et atteint dans les 2.m de haut. Dans les deux années qui suivent,ce cairn, va être dégradé, diminué, reconstitué, mais l'emplacement de base ne bouge pas. J'aime assez cet esprit de résistance à  l'air du temps qui  interdit tout, sanctionne sans comprendre, s'approprie chaque  m2 de terrain, chaque pierre.
La semaine dernière, passant par  là, je trouve les vestiges de  mon cairn, écroulé. Je ne me suis pas encore arrêté en deux ans pour participer  à sa renaissance , mais, cette fois,  plus  inspiré que d'autres, je  monte  un cairn sur le tas de pierres et  je  trouve qu'il a fière allure. Même s'il est voué aux destructeurs de passage, en attendant, il honorera de sa  présence, l'Île de Méaban à laquelle  il fait face.

Équilibres...

Je parcours de long en large la côte sur  une vingtaine de kilomètres. Le  point plus  à  l'Est se situe sur une  plage de Locmariaquer. J'y débarque avec cinq de mes bambous pour donner naissance  à  cinq Demoiselles de Locmariaquer puisque je les ai appelées ainsi. La mer  est basse et je travaille sur la partie  haute de la plage,  près d'une réserve de cailloux. Je plante  mes bambous dans le sable puis me mets  à la recherche de  pierres  plates qui me servent  à élever ces cairns perchés. C'est un exercice de patience. Je dois  m'y prendre  à plusieurs fois, car le  moindre équilibre les  précipite au sol. Cette  installation me  vaut la visite de quelques  personnes voulant les  photographier, ou tout simplement parler, échanger sur le land art , chose que je fais avec plaisir.


Les rescapés de Mare Nostrum

Un navire de  Médecins du  Monde, l'Aquarius, appareille en Méditerranée. Il  part en maraude dans le but de repérer des  bateaux de  migrants à la dérive. En  pleine mer,  une vigie donne l'alerte. A quelques  miles, droit devant, une embarcation. Elle est vite approchée. C'est une sorte de gros zodiac,  bondé de  migrants.
Le bateau sauveteur met son  propre zodiac à la  mer, avec 3 hommes  à bord et un chargement de gilets de sauvetage. Dans  un  premier temps, les sauveteurs distribuent les gilets de sauvetage  puis commencent  les premiers embarquements de  migrants pour les convoyer jusqu’à l'Aquarius. Le bateau des  migrants est fait  pour embarquer 50 personnes. Les sauveteurs en  dénombreront 150. Avec  une mer formée,  ils terminaient tous  à  l'eau. Plus tard, les sauveteurs découvrent à  bord, des hommes  malades, épuisés, apeurés. L'un d'eux est déjà dans le  coma et il sera évacué  par hélicoptère. Il  y a aussi des femmes, accompagnées de très jeunes enfants. L'une de ces femmes accouchera sur le navire Aquarius , avec  l'aide de trois  infirmières de bord.
Chaque jour  apporte son  lot de  migrants en danger qu'il faut sauver d'une fortune de  mer.
 Rien qu'en 2015,  plus de 2000 migrants  ou émigrés sont  morts noyés en Méditerranée durant  une traversée organisée  par des passeurs mercantiles.
Écrit après avoir vu ce reportage télévisé,  il y a 15 jours.
 Dans la nuit dernière du 9 au 10 avril 2016, cinq migrants se sont noyés dans les  même conditions en Méditerranée.

  Cairns
Ils ne sont jamais parfaits. Leurs formes sont tourmentées et pourtant, parfois, une grâce naturelle en émane. Alors je m’assoie devant  un tel cairn. Je le regarde, je  l'observe vivant dans la  lumière du jour. Je l'écoute jouer avec le vent, je le relie au paysage environnant. A cet  instant, le monde se résume  à ça :  un vrai silence intérieur, du respect et le remerciement d'être en vie. L'éphémère ne se fixe pas,  il nous échappe et c'est son  meilleur  côté,  me permettant de reprendre la route, sans regrets

 Roger Dautais




Les tombes s'ouvrent une à une
sur les défunts revenus
de la caverne claire
où s'écoulent leurs jours

Les morts n'épargnent aucun effort
pour trouver des paroles de consolation
Ils nous attendent avec patience 


***


Nous marchons cependant
car il faut bien aller
quêtant des étincelles d'amour
dans le flux des saisons 


***

Les journées s'éternisent
avant de basculer
on ne sait où. 

Éliane Biedermann*
 *    http://anthosuballix.canalblog.com/



Pour ceux qui  n'ont pas  lu : deux articles consacrés au land art et au Chemin des Grands Jardins

http://www.unidivers.fr/land-art-roger-dautais-bretagne/
 http://www.unidivers.fr/roger-dautais-land-art-exil-exiles-lampedusa/


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Landartiste, photographe, auteur de livres pour enfants, Roger Dautais est aussi un artiste atypique, sensible et attachant.Il a sû, dans la diversité de ses expressions, trouver une harmonie par la pratique quotidienne de cet art éphémère : le Land Art. Il dit "y puiser forces et ressources qui lui permettent, également, depuis de nombreuses années, d'intervenir auprès de personnes en grande difficulté ( Centre de détention pour longues peines et personnes âgées atteintes de la maladie d'Alzheimer) pour les aider par la médiation de l'art.